Communiqué des personnels du collège Jean Moulin (Aubervilliers) du mercredi 18 octobre

Ce communiqué peut paraître long mais prenez le temps de le lire dans son ensemble pour vous rendre compte de la violence de l'administration.

Le vendredi 13 octobre, un collègue enseignant a été assassiné sur son lieu de travail dans le cadre de ses fonctions. L’émoi de la communauté éducative est immense, les réactions institutionnelles sont indigentes et inhumaines.

Ce terrible événement raisonne tout particulièrement avec la situation de crise que nous traversons actuellement au collège Jean Moulin : récemment, un collègue a été destinataire de menaces de mort à l’encontre de sa personne. A cette occasion, des dysfonctionnements majeurs ont été constaté : non seulement le rectorat n’a pas pris en charge la sécurité du collègue mais, de plus, le rectorat ne dispose d’aucun protocole adapté pour garantir la sécurité et la prise en charge de ses personnels en cas de graves menaces.

Face à cette impéritie du rectorat, nous avons rédigé de nombreux courriers à l’administration pour que le collègue soit protégé.

Au bout d’une semaine, aucune mesure satisfaisante n’a été proposée et la réponse à notre courrier a été méprisante et mensongère. Nous avons donc dû exercer notre droit de retrait pour nous déplacer à la DSDEN en vue d’être reçus. Nous y avons été accueillis par la police et avons trouvé porte close. Le DASEN nous a informés que la DSDEN avait le pouvoir mais pas la compétence de protéger notre collègue nous renvoyant vers le rectorat.

Le lendemain, nous avons décidé de prolonger notre droit de retrait pour être reçus au rectorat. Suite à cette mobilisation, seule une solution temporaire a été proposée le vendredi 6 octobre. C’est à cette occasion que le rectorat nous a informés qu’il n’existe aucune procédure en place pour faire face à ces situations dramatiques.

Le lundi 16 octobre, trois ans après l'assassinat de Samuel Paty, et à la suite de l'assassinat de Dominique Bernard, l'institution nous demande de faire respecter une minute de silence en hommage à notre collègue.

Cette injonction à accueillir la parole des élèves (avec le ou les élèves ayant menacé notre collègue encore présents dans notre établissement) sans prendre en compte notre propre désarroi est le reflet d'un manque de considération flagrant envers la communauté éducative.

Nous aurions eu besoin d'un jour de deuil, de recueillement et de réflexion collective pour être ensuite à même de recevoir la parole, les émotions et réactions de nos élèves.

En ce jour, nous avions deux heures banalisées de 8h à 10 heures pour discuter ensemble du drame survenu le 13 octobre avant de reprendre nos classes. Notre collège vivant déjà une situation très grave actuellement, la direction était accompagnée d'un inspecteur responsable du réseau de notre établissement pour discuter avec nous.

Les deux premières heures de la journée n'ont pu être un moment de recueillement et de discussion puisque nous avons encore dû nous battre pour que notre situation soit réellement prise en compte et que cet inspecteur envoyé par le rectorat assume enfin d'entendre les erreurs et la maltraitance de ce dernier à l'égard de notre collègue. Face au fait que notre collègue n'a pas été relogé rapidement en sécurité, nous nous sommes entendu parler du « temps froid de l'administration ».

Suite à cette discussion ravivant les tensions, la colère et la tristesse de l'ensemble des collègues présents, deux heures supplémentaires ont été nécessaires afin de pouvoir enfin discuter entre nous de l’événement tragique du 13 octobre. L'émotion, très forte, décuplée par la situation que nous traversons dans notre collège, ne nous a pas permis d'accueillir les élèves dans de bonnes conditions l'après-midi.

Notre direction avait proposé aux collègues qui ne se sentaient pas capables d'accueillir les élèves l’après midi de se signaler afin qu'elle annule les cours de ces derniers. Or, une grande partie de l'équipe du collège n'était pas en capacité de discuter avec les élèves et d'organiser la minute de silence face à ces derniers. La DSDEN a refusé à notre cheffe d'établissement de fermer le collège.

C'est alors que notre direction a placé en absence personnelle les collègues ne se sentant pas d'accueillir les classes. Elle nous a demandé, pour couvrir cette action, de remplir à nouveau le registre RSST de l'établissement.

Nous sommes restés au collège dans l'après midi pour faire la minute de silence entre collègues, lourde de sens pour nous, puis avons continué notre combat afin d'essayer d'obtenir par le biais d'une énième lettre un rendez-vous avec la rectrice pour discuter de la situation de notre collègue n'ayant toujours aucune solution de relogement pérenne proposée par le rectorat au 16 octobre.

Notre courrier à la rectrice du 16 octobre est resté sans réponse. C'est malheureusement le 4ème courrier qui reste sans réponse malgré la situation grave que nous traversons.

Quelle surprise et quel désarroi de découvrir le lendemain que notre après-midi du lundi 16 octobre passée au collège à réfléchir et se recueillir été comptabilisée comme un jour de grève avec retrait de salaire alors même que la direction avait proposé à ceux qui ne se sentaient pas capable d’accueillir les élèves d’annuler leurs cours.

La DSDEN n'a pas répondu à l'ensemble des points de danger que nous avions noté sur le registre RSST ce jour là. Ils n'ont notamment pas répondu au fait qu'il était impensable de discuter de l'assassinat d'un collègue face à un ou plusieurs élèves ayant menacé de mort notre collègue. De même, la DSDEN n’avait pas jugé que les menaces faites à notre collègue (dont on ne connaît toujours pas l’auteur) constituaient un danger pour l’équipe éducative.

Nous avons par la suite découvert que certain.es collègues s'étaient vus retirer un jour de salaire supplémentaire lors de notre premier droit de retrait puisqu'ils n'avaient pas eu le temps de remplir le registre RSST entre le moment où ils ont gardé les élèves dans la cour de récré pour maintenir la sécurité avant la fermeture du collège et le moment où ils ont été accueillis par la police à la DSDEN.

Nous déplorons la non prise en compte de la gravité de la situation dans notre collège !

A ce jour, le 19 octobre notre collègue n'a encore pas eu de proposition de relogement pérenne et est toujours en situation précaire à ce sujet.

A ce jour, le 19 octobre nous n'avons toujours aucune réponse de la rectrice. Aucun entretien ne nous a été proposé, aucune réponse de sa part ne nous a été faite. Ce silence ne fait qu'accentuer le sentiment d'abandon de la part de notre supérieurs.

A ce jour, le 19 octobre, nous n'avons pour réponse que des retraits sur salaire de la part de notre administration et le regrettons amèrement.

Au lieu des réponses sécuritaires démagogiques proposées (fouille des sacs des élèves que l'on impose à des personnels dont ce n'est pas la fonction) nous renouvelons nos demandes de dialogue, de moyens humains et matériels supplémentaires et des procédures efficaces de protection et d'accompagnement des personnels en cas de menaces graves. Plus généralement, nous revendiquons les moyens nécessaires pour exercer notre travail et assurer l'apprentissage des élèves dans de bonnes conditions.