Cet été le ministère a fait des modifications dans les programmes des cycles 2, 3, et 4 afin de les « verdir ». Si nous saluons cette initiative, il nous paraît important de souligner les manques de celle-ci face à l’ampleur des crises écologiques auxquelles l’ensemble de la planète se trouve aujourd’hui confrontée.
Les conséquences du réchauffement climatique sont visibles depuis plusieurs années déjà. Elles vont s’aggraver rapidement, et les mesures prises dans le monde pour lutter contre cette aggravation prévue sont indigentes, y compris en France. La chute drastique de la biodiversité en cours est telle que nombre de scientifiques parlent de 6eme extinction massive. Les pollutions chimiques et plastiques sont planétaires et pour certaines semblent irréversibles à court terme. A tout cela s’ajoute de fortes tensions sur un grand nombre de ressources vitales, et sur les ressources (minerais et métaux) qui sont à la base des technologies dites « vertes ».
c’est bien une vision politique de l’écologie qui est proposée
Les modifications des programmes scolaires permettront d’aborder nombre de ces enjeux, à différents niveaux, et dans différents champs disciplinaires. Elles pourront permettre aux élèves de comprendre l’ampleur du phénomène ainsi que certains mécanismes scientifiques. Mais elles ne permettent toujours pas de saisir la globalité du problème que nous avons à résoudre de manière urgente, et avec lequel les générations futures devront vivre. L’angle du développement durable reste central, et les comportements individuels sont encore présentés comme responsables du changement. C’est bien une vision politique de l’écologie qui est proposée : une vision productiviste, économiquement conservatrice. La même vision que celle portée par l’OCDE, et par une grande partie de la classe politique d’hier et d’aujourd’hui.
Il est pourtant clair, et documenté, qu’une infime partie de la population mondiale est majoritairement responsable de la situationvoir par exemple : 1, 2. Et il est tout aussi clair que ce ne sont pas ces responsables qui en subiront les conséquences.
il est nécessaire d’expliquer quels sont les équilibres en place, et quels leviers existent pour les modifier
Cette infime minorité influence les politiques nationales et internationales et dirige l’économie, et ce n’est jamais dans le sens de l’écologie. Leurs beaux discours sans effets et leurs engagements que personne ne respecte ne sont pas des exemples pour la jeunesse. Plutôt que de mentir aux élèves en leur disant que les accords internationaux, les objectifs de développement durable de l’OCDE, et les engagement du capitalisme « vert » sont des solutions au problème, il serait plus utile de leur donner les moyens de comprendre les mécanismes institutionnels qui sous-tendent ces politiques, afin qu’ils et elles puissent pleinement prendre leur place de citoyen·ne éclairé·e. Pour cela, il est nécessaire d’expliquer quels sont les équilibres économiques et politiques en place, et quels leviers existent pour les modifier. Il est aussi indispensable de dire clairement qui est responsable de la situation, et qui va en payer le prix si rien ne change.
Enfin, si le ministère tient à verdir l’Éducation nationale, il pourrait commencer par faire appliquer à grande échelle des principes simples : systématiser le tri, végétaliser les cours et les bâtiments, avoir un usage raisonné et économe du numérique, développer le bio et le végétarien dans les cantines... A défaut de changer la société, cela permettra au moins de dire aux élèves qu’on ne se moque pas d’eux et d’elles lorsqu’on vante les mérites du développement durable, et cela contribuera à lutter contre le réchauffement climatique et ses effets.
1. https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/09/21/les-inegalites-extremes-des-emissions-de-co2-nous-menent-vers-une-catastrophe-climatique_6052972_3244.html
2. https://www.lemonde.fr/planete/article/2011/12/09/qui-est-vraiment-responsable-du-changement-climatique_5982032_3244.html