À l’approche de la rentrée et suite à l’annonce de Schiappa (de rappeler aux établissements scolaires d’appliquer une loi publiée il y a plus de quinze ans – Loi n°2001-588 du 4 juillet 2001 dite loi Aubry – qui prévoit l’organisation de trois séances d’éducation à la sexualité par an), les réseaux d’extrême-droite s’activent et diffusent de fausses informations sur internet et par tracts allant jusqu’à appeler au boycott de la rentrée. Les méthodes utilisées rappellent celles du « Jour de Retrait de l’Ecole » qui gravitait en 2014 autour des militant·es d’extrême-droite Alain Soral et Farida Belghoul et du mouvement réactionnaire, sexiste et LGBTQIphobe « La manif’ pour tous ». Ces réseaux ont réussi à diffuser largement de fausses idées et beaucoup de parents s’inquiètent. Sous la pression de cette mobilisation, les « ABCD de l’égalité » avaient été abandonnés, bien que leur bilan avait été jugé « positif ».
Ces polémiques réactionnaires ne peuvent exister que parce que l’institution scolaire maltraite et méprise certaines catégories d’élèves et leur parents.
SUD Éducation 93 dénonce ces tentatives de l’extrême-droite de mettre la main sur l’école publique et demande au ministère de l’éducation nationale de prendre ses responsabilités en dénonçant publiquement ces attaques de l’extrême-droite contre le service public d’éducation – plus fermement que ne l’a fait le ministre de l’éducation, qui évoque simplement des contenus conçus « d’une manière qui ne choquera personne, ni les enfants, ni les parents, ni moi-même je dirai ». De la part d’un ministre qui a fustigé les ABCD de l’égalité, on imagine aisément ce qui pourrait être « choquant » !
En attendant, SUD Éducation 93 propose aux enseignant·es les ressources suivants pour les aider à rassurer les inquiétudes compréhensibles des parents d’élèves en répondant aux questions fréquemment soulevées.
« L’éducation sexuelle dans le cadre scolaire, qu’est-ce que c’est ? »
L’éducation sexuelle a pour objectif d’accompagner le développement de l’enfant et de sensibiliser les élèves contre les violences sexuelles, sexistes et discriminatoires. Il s’agit d’apprendre à respecter son corps et le corps de l’autre ; à accepter et respecter les différences ; à combattre les stéréotypes et les discriminations sexistes et LGBTQIphobes.
Les séances d’éducation à la sexualité sont adaptées à l’âge des élèves et ont pour but de leur donner des outils pour appréhender leur corps, la puberté et leur sexualité de la manière la plus libre et la plus choisie possible. Dans les classes, les élèves apprennent à déconstruire les stéréotypes de genre, travaillent sur la notion de consentement et sur les droits et devoirs de chacun·e. Par ailleurs des questions de santé et de prévention sont abordées en s’appuyant sur des informations précises et scientifiquement étayées.
« Les élèves vont-ils apprendre la masturbation et être manipulé·es physiquement ? »
Cette fausse rumeur ne cesse de revenir depuis 2014. Lancée par des militant·es d’extrême droite, elle se base sur un rapport allemand rédigé par le « centre fédéral allemand pour l’éducation à la santé (BZgA) », dans lequel on peut lire des recommandations. Ce texte ne concerne absolument pas l’école française et n’a aucune valeur législative. Les détracteur·rices des études sur le genre se font un malin plaisir, comme en 2014, d’établir un lien inexistant entre ce rapport et l’annonce de Schiappa sur l’éducation à la sexualité, voire entre ces enseignements et la loi Schiappa, qui relève encore d’un autre domaine.
En France, le programme d’éducation sexuelle débute en élémentaire (circulaire 2003-027). Cela n’empêche pas que les collègues de maternelle soient amené·es à discuter avec les enfants de leur comportement (on ne touche pas son zizi lorsqu’on est avec un groupe ; on respecte le corps des autres enfants, si un·e camarade ne veut pas que je le touche, ne serait-ce que son bras, je dois l’accepter…) ou à réagir aux propos des élèves (les filles aussi ont un zizi, il n’a juste pas la même forme ; il n’y a pas de jeux de fille ou de jeux de garçon ; tout le monde a le droit de pleurer...)
Et bien sûr, les cours d’éducation sexuelle ne prévoient en aucun cas que les élèves se touchent ou soient touché·es par des adultes.
« L’école va faire des garçons des filles et des filles des garçons »
Contrairement aux affirmations réactionnaires qui circulent, l’école ne se donne pas pour mission de « transformer les garçons en filles ». En revanche, elle a pour mission d’accompagner et faire réussir l’ensemble des élèves, quels que soient leur origine, leur sexe, leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.
SUD éducation se bat contre les stéréotypes de genre : que signifie « transformer un garçon en fille » ? Comment définir ce qu’est ou ce que devraient être un « garçon » et une « fille » ? Les séances d’éducation sexuelle ont justement pour objet de déconstruire les stéréotypes, d’éduquer à l’égalité de tous et toutes et de lutter contre les discriminations sexistes et LGBTQIphobes qui aliènent les individu·es.
« La théorie du genre n’est basée sur aucune étude scientifique »
L’expression « théorie du genre » est le plus souvent employée par les détracteur·trices des luttes féministes. La théorie du genre n’existe pas, et n’est donc pas enseignée. En revanche de nombreuses études scientifiques interrogent le concept de genre, fondé par les sciences humaines et sociales. Ces études sont menées par des chercheur·ses, maître·sses de conférence et philosophes etc. et ont notamment permis de déconstruire des stéréotypes à l’origine de discriminations sexistes.
Une bibliographie non-exhaustive autour du concept de genre :
- Introduction aux études sur le genre L. Bereni, S. Chauvin, A. Jaunait, A. Revillard, Editions De Boeck, 2012
- Corps en tous genres - La dualité des sexes à l’épreuve de la science A. Fausto-Sterling, La Découverte, 2012
- Les cinq sexes – Pourquoi mâle et femelle ne sont pas suffisants A. Fausto-Sterling, Petite Bibliothèque Payot, 2013
- Sexe, genre et sexualité E. Dorlin, PUF, 2012
- Masculin/féminin – La pensée de la différence F. Héritier, Editions Odile Jacob, 1996
Et une synthèse très bien faite sur internet par C. Vidal neurobiologiste et directrice de recherche à l’Institut Pasteur : http://eduscol.education.fr/cid47784/le-cerveau-a-t-il-un-sexe%A0.html (avec une bibliographie fournie)
« L’éducation sexuelle va-t-elle perturber les élèves ? »
Sensibiliser les enfants aux discriminations et aux stéréotypes participe à leur apprendre à réfléchir, à accepter et respecter les différence. Leur apprendre à connaître et respecter leur corps et le corps des autres et les éduquer à la santé, au consentement et à la sexualité leur permet de se protéger, d’identifier des situations anormales et de respecter leurs camarades. Quand un adulte pense à la « sexualité », il l’associe immédiatement à l’acte sexuel ; mais parler de sexualité à l’école inclut les bisous, le fait de se tenir par la main, les sentiments, le rapport à l’autre… Voir la haine de certain·es adultes envers un groupe discriminé est bien plus déstabilisant et peut engendrer des violences, qu’auront à subir les élèves filles et LGBTQI en première ligne. L’éducation sexuelle peut aider à désamorcer ces violences.
« La loi Schiappa du 3 août 2018 autorise-t-elle la pédophilie ? »
Aussi critiquable que puisse être la loi Schiappa, elle n’a jamais eu pour objectif de légaliser la pédophilie ! Au contraire, cette loi allonge les délais de prescription des infractions sexuelles commises sur des mineur·es et renforce les peines encourues pour certaines de ces infractions. Les « relations » sexuelles entre une personne majeure et une personne mineure de moins de 15 ans restent illégales, elles constituent le délit d’atteinte sexuelle sans violence, contrainte, menace ni surprise et est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Le projet de loi comptait instaurer une présomption irréfragable de non-consentement, c’est-à-dire que les relations sexuelles entre un·e majeur·e et un·e mineur·e aurait été automatiquement qualifiées de viol. Cette disposition n’a finalement pas été proposée au vote des député·es parce qu’elle aurait pu porter atteinte à la présomption d’innocence d’après le Conseil d’État. Mais la loi cherche quand même à faciliter la qualification de viol dans le cadre de « relations » sexuelles entre majeur·es et mineur·es de moins de 15 ans. Elle précise notamment que l’abus de la vulnérabilité de la victime mineure de moins de 15 ans, qui ne dispose pas du discernement nécessaire pour des actes sexuels, peut constituer une contrainte.
SUD Éducation 93 rappelle avec force la nécessité d’une véritable éducation à la sexualité et à l’égalité pour combattre les stéréotypes et discriminations sexistes qui aliènent les individu·es.
Nous lutterons avec la plus grande détermination contre la propagation de tous les discours véhiculant des partis pris sexistes et LGBTQIphobes. L’école est et doit rester un lieu d’émancipation de toutes les formes de haines et de discriminations. Nous nous battons pour une école publique qui permettent à toutes et à tous d’apprendre ensemble, de réfléchir et d’élaborer un esprit critique.