Depuis la rentrée 2016 pour les CP et les CE1, et la rentrée 2018 pour les 6e et les 2ndes, l’éducation nationale impose aux élèves de passer des « évaluations des acquis » (ou « tests de positionnement » pour les secondes) en septembre-octobre (avec une deuxième session en janvier pour les CP).
Ces évaluations se voient assigner une double fonction : une fonction « de diagnostic », car elles doivent aider les enseignant·es à situer le niveau de leurs élèves, et une fonction « de bilan », car elles doivent servir au pilotage du système éducatif par l’administration.
Pourtant, ces deux objectifs ne sont pas compatibles.
La poursuite d’objectifs largement incompatibles provoque logiquement des dysfonctionnements, parfois spectaculaires.
Par exemple, l’an dernier, seul 5% des élèves ont pu terminer l’épreuve de mathématiques de sixième dans les cinquante minutes imparties. Dans certains collèges, les principaux ont laissé plus de deux heures aux élèves pour terminer l’épreuve, afin d’avoir des résultats exploitables dans l’établissement, tandis que dans d’autres collèges, les principaux ont insisté pour que le temps prévu soit scrupuleusement respecté, afin d’avoir des résultats comparables aux résultats nationaux. Pourtant, il ne faudrait pas s’y tromper : seuls les objectifs de pilotage comptent réellement pour l’administration.
En effet, les enseignant·es sont pour l’essentiel dépossédé·es du dispositif.
Ainsi, iels n’ont pas accès aux items proposés aux élèves, ni aux réponses données par les élèves, ce qui rend quasi-impossible d’interpréter les résultats obtenus de façon utile. Ce problème est redoublé par le caractère adaptatif des évaluations (les réponses données par l’élève déterminent la difficulté des questions qu’on lui pose ensuite), puisque tou·tes les élèves ne répondent donc pas aux mêmes questions. Enfin, comme le note le rapport du ministère dédié à ces évaluations pour l’année 2019-2020 : « la transmission de ces résultats aux enseignants peut prendre parfois jusqu’à plusieurs mois, sans raison valable ».
Rappelons qu’il existe déjà un certain nombre de dispositifs d’évaluation servant à piloter le système éducatif et permettant de faire des comparaisons nationales et internationales (CEDRE, PISA, indicateurs de la LOLF). Par ailleurs, les administrations locales et les enseignant·es peuvent s’appuyer sur les bulletins de l’élève, le livret scolaire, les résultats au Diplôme national du brevet.
Soulignons d’autre part que ces évaluations ne sont pas d’abord motivées par un objectif pédagogique, mais par une vision réactionnaire de l’école. En effet, leur mise en place trouve son origine dans le débat sur la baisse supposée du niveau scolaire des élèves, une inquiétude née de la « massification » du système éducatif. Le seul fait que ces évaluations ne portent que sur les acquis en langue française et en mathématiques (contrairement au dispositif CEDRE, notamment) indique qu’elles sont porteuses d’une conception conservatrice et étriquée de l’éducation, centrée sur les « fondamentaux ».
Enfin, il faut rappeler le caractère profondément anxiogène de ces évaluations. En primaire, l’outil évaluation ne fait sens que pour des enfants qui se sont appropriés un savoir.
Au sortir de la maternelle, a fortiori après une année chaotique, l’évaluation des savoirs de base a-t-elle un sens ? En temps normal, l’hétérogénéité dans le rapport à une consigne, même oralisée, est telle que pour la majorité des enfants sortis de grande section, la tâche est tout simplement impossible (ne serait-ce que du point de vue des disparités de langage, sans même entrer dans le rapport des enfants à l’écrit).
La passation a lieu dès le 14 septembre après la rentrée. Quels sont les enseignant·es capables de lier une relation de confiance, de construire un groupe classe, d’établir des règles de mise au travail en deux semaines avec des enfants de 7 ans ? Quid du caractère chronophage de ces évaluations, en particulier en termes de mobilisation du matériel informatique des établissements, souvent interdit à un autre usage pendant plusieurs jours ?
Pour toutes ces raisons, SUD Éducation 93 appelle les personnels de l’éducation à refuser de faire passer ces évaluations, en se mettant en grève le jour du passage, en adoptant des motions de conseil des maîtres·ses visant à boycotter ces évaluations : non au pilotage managérial de l’éducation !