Condamnation pour harcèlement sexuel dans un collège du 93 : le recteur savait, il n’a rien fait

En avril 2019, neuf enseignantes du collège Robespierre à Épinay-sur-Seine dénoncent à leur chef d'établissement des faits de harcèlement sexiste et sexuel de la part d’un de leurs collègues
Une enquête administrative est ouverte par le rectorat de Créteil, au terme de laquelle l'enseignant en question écope d'une sanction minimale. Cependant il est maintenu en poste dans l'établissement. Les victimes obtiennent pourtant la protection fonctionnelle en juin 2019, c'est-à-dire que l'administration a le devoir de les protéger, de leur apporter assistance juridique et de réparer les préjudices subis
Par ailleurs, lors de l'enquête administrative, les victimes subissent à plusieurs reprises des remarques culpabilisantes et inappropriées de la part de l'administration, validant le pire de la culture du viol : « comment étiez-vous habillées de jour-là ? », « certes, il faut protéger les victimes mais aussi l’accusé, faudrait-pas qu’il nous claque entre les doigts », « est-ce que vous avez dit non ? C’est important de dire non. », « Si vous ne portez pas plainte, cela sera compliqué pour l’administration de réagir »... 
Après avoir saisi la justice, huit d'entre elles reçoivent une convocation au tribunal judiciaire de Bobigny le 9 novembre 2021 pour témoigner en tant que victimes. L'audience est reportée au 28 juin 2022 au vu de l'ampleur du dossier. 
Le 28 juin, l'avocate des parties civiles, Maud Beckers, en plus du harcèlement sexuel caractérisé, plaide le "harcèlement sexuel d'ambiance", se référant à une décision de la cour d'appel d'Orléans du 7 février 2017, affirmant que « le harcèlement sexuel peut consister en un harcèlement environnemental ou d’ambiance, où, sans être directement visée, la victime subit les provocations et blagues obscènes et vulgaires qui lui deviennent insupportables ». Le procureur, quant à lui, demande une condamnation concernant des agissements sur deux des victimes. Il requiert à l'encontre de l'agresseur sept mois d'emprisonnement avec sursis, 4000 euros d'amende et 1 an d'inéligibilité.
Le délibéré a été rendu le 6 septembre dernier : reconnu coupable de harcèlement sexuel à l'encontre de l'une des victimes, il est condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis et à payer 2000 euros pour le préjudice moral et les frais de justice. 
La relaxe de l'agresseur concernant le harcèlement subi par les autres enseignantes nous rappelle que la justice a encore un long chemin à entreprendre pour être à l'écoute de la parole des victimes et mettre en place les réponses qui s'imposent face aux violences sexistes et sexuelles. 
Le verdict recouvre néanmoins un enjeu majeur pour les luttes à venir : cette condamnation est une première concernant les violences sexistes et sexuelles dans l’Éducation nationale. 
Il apparaît nécessaire de rappeler qu'aujourd'hui en France, une femme sur cinq déclare avoir été victime de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle (d'après un sondage IFOP de 2014). 
Le cas du collège Robespierre est particulièrement révélateur de l'imbrication des rapports de pouvoir qui sous-tend le harcèlement sexuel au travail. Les victimes sont en effet de jeunes collègues, arrivées récemment dans l'établissement (pour certaines dans l'académie), et en début de carrière. L'agresseur, quant à lui, y enseigne depuis de nombreuses années : sa position de pouvoir est renforcée par son réseau et ses relations de connivence au sein du collège. 
Aux agissements ciblés s'ajoute une ambiance plus générale en salle des profs où les blagues sexistes et homophobes sont légions : le harcèlement sexuel perpétré par l'agresseur est rendu possible par le climat qui y règne. 
Ce qui frappe ce sont les manquements extrêmement graves du Rectorat de l'Académie de Créteil. Celui-ci a non seulement complètement failli à son devoir de protection des victimes, mais il a en plus entravé les procédures que ces dernières ont entrepris, et remis en question leur parole lors de l'enquête administrative. Les violences institutionnelles se sont additionnées à celles subies sur leur lieu de travail.
Le harcèlement sexiste et sexuel vécu par les enseignantes du collège Robespierre n'est pas un cas isolé, et il devient plus qu'urgent que l'Académie de Créteil - qui accueille de nombreux-ses collègues néo titulaires - et plus largement l’Éducation nationale se saisissent du problème des violences sexistes et sexuelles au travail en se dotant de véritables outils de prévention et de protection des victimes. 
En ce sens, nous ne pouvons que saluer la détermination pour faire entendre leur voix des enseignantes de Robespierre et souligner l'importance de leur combat. 
SUD éducation 93 a accompagné les enseignantes du collège Robespierre et a porté leur voix dans toutes les instances dans lesquelles nous avons des représentant·es syndicaux, nous continuerons ce combat pour que l'omerta sur les violences sexuelles et sexistes cesse. 
SUD éducation 93 revendique :
  • Des campagnes de prévention pour les personnels et les élèves
  • Des mesures de protection des agentes et des élèves qui dénoncent les violences sexuelles ou sexistes
  • Des formations assurées par des associations spécialisées comme l’AVFT (Association contre les Violences faites aux Femmes au Travail) pour les équipes qui en ressentent le besoin 
  • Des moyens, du temps, de la formation et des personnels pour une éducation aux sexualités à hauteur voire au-delà des 3 séances annuelles prévues par la loi
  • La création d’un poste de référent·e "violences sexistes et sexuelles" au sein du service des ressources humaines du rectorat afin d’éviter que les signalements de violences sexistes ou sexuelles ne restent des semaines sinon des mois sans réponse
  • Une cellule d’écoute effective gérée par des personnels formé·es, et une communication d’ampleur quant à l’existence de cette cellule auprès de l’ensemble des personnels
  • Des créations de postes suffisantes pour que chaque circonscription et chaque établissement soit dotés de postes de médecins et/ou d’infirmier·es à temps plein et/ou d’assistant·es de services sociaux.