» La Région Ile-​de-​France dénomme ce qu’elle ne veut pas nommer » communiqué des enseignant.e.s du lycée d’Angela Davis du mardi 28 mars

Nous avons appris ce jour que la majorité du Conseil Régional d’Ile-de-France souhaitait renommer par amendement le lycée Angela Davis lors de la commission permanente qui se tiendra ce mercredi 29 mars. Nous sommes profondément choqué.e.s à différents égards. La communauté éducative n’a jamais été associée de près ou de loin à cette démarche. De plus, le choix du nom d’Angela Davis est l’aboutissement d’un processus démocratique où se sont exprimées les voix des parents, des élèves et des personnels de l’établissement. Ce choix a été acté en conseil d’administration le 29 mai 2018, validé par l’ancien maire de Saint-Denis, Laurent Russier,conformément aux dispositions prévues dans le code de l’Education (article L421-24). Le lycée est enregistré au nom d’Angela Davis par le Rectorat de Créteil depuis cinq ans maintenant.

De plus, le rapport de la commission permanente du Conseil Régional de mars 2020, présenté par Valérie Pécresse elle-même, affirmait bien son accord pour le choix de cette dénomination. La présidente de la Région se proposait en effet de « suivre la communauté scolaire, ainsi que l’avis de la commune d’implantation, et de procéder à la dénomination du lycée de Saint-Denis, en lui attribuant le nom du lycée Angela Davis ». Les décisions d’hier semblent les oublis d’aujourd’hui. Quelle vision des responsabilités et du fonctionnement démocratique peut découler d’une décision qui passe outre les engagements pris, les procédures officielles et l’expression collective et souveraine d’un vote ?

La majorité du Conseil Régional justifie surtout par ce choix d’une volonté de lutter contre l’« obscurantisme qui gagne du terrain » et de se prémunir d’un « message envoyé qui serait désastreux ». L’effacement du nom d’une militante noire défendant jusqu’à ce jour les principes de l’égalité pour le remplacer par une autre, plus consensuelle à ses yeux, est-elle une manière efficace pour cette majorité de faire avancer les combats qu’elle prétend défendre ? Pour rappel, beaucoup de lycées ou de collèges de France portent le nom de figures dont les prises de position et les agissements sont éminemment problématiques, et qui sont aujourd’hui unanimement condamnés par l’Histoire et les valeurs de notre République : quid des collèges Maurice Barrès à Verdun et à Joeuf, des lycées Colbert à Paris, Lorient, au Petit-Quevilly... ?

Si le nom de Rosa Parks, proposé par l’amendement de la majorité pour rebaptiser notre lycée, résonne aussi par ses engagements en faveur des droits civiques et pour l’égalité dans les années 1950 aux États-Unis, force est de constater qu’il s’agit ici d’instrumentaliser son nom pour l’opposer à celui d’une autre militante de l’égalité et de l’antiracisme, celui d’Angela Davis. Un nom qui réactualise pourtant la mémoire des luttes pour les droits civiques et défend activement à ce jour les principes d’égalité. Un nom qu’il s’agirait d’effacer alors qu’il a été choisi par la communauté éducative, élèves et parents, et validé dans le cadre de la procédure attendue.

En outre, le nom de Rosa Parks étant déjà présent à proximité de l’établissement, avec la station de transport en commun desservant le RER E et le Tram 3 bis, à la jonction de Saint-Denis et de Paris, conserver le nom d’Angela Davis n’est autre qu’une avancée pour faire valoir la pluralité des figures en faveur de la lutte pour les droits civiques sur notre territoire. Une preuve salutaire de l’actualité d’un combat toujours vivant.

Au-delà des incohérences et du jeu politique évident d’une droite en quête de symboles, c’est un cruel manque d’imagination ou peut-être de connaissances qui semble guider ce choix. En conséquence, nous demandons à la majorité régionale de renoncer à ce projet d’amendement, et ce afin que le respect des valeurs essentielles qu’elle dit défendre, du respect de la laïcité à la liberté d’expression, soit plein et entier.

Les enseignant.e.s mobilisé.e.s et les sections syndicales Snes-FSU, Sud-Education, CGT du lycée polyvalent Angela Davis de Saint-Denis