Audience contre les violences sexistes et sexuelles dans l’Education nationale

Compte-rendu intersyndical du 4 décembre

Annoncé comme une priorité du quinquennat, la lutte contre les violences faites aux femmes, a donné lieu à de nombreuses déclarations. La fonction publique a été mise au cœur de ces annonces "au titre de l’exemplarité les employeurs publiques ont un rôle à jouer" (circulaire du 9 mars 2018). Deux ans après, force est de constater que le compte n’y est pas. Le plan ambitieux n’est qu’à l’état de vœu, les mesures de prévention ne sont pas effectives, la réaction de l’employeur est souvent insuffisante en cas d’urgence.

C’est pourquoi notre intersyndicale a fait une demande d’audience auprès de l’employeur sur les moyens de lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans notre département et comprendre les raisons de la non application de la loi. Mercredi 2 décembre, la FSU, la CGT, Sud éducation et la CNT ont été reçus en audience par la Direction Académique. Cela faisait un an que la demande d’audience avait été déposée par nos syndicats. Le 25 novembre dernier, un rassemblement avait été organisé sous les fenêtres de la DSDEN pour exiger des mesures. Le jour même, notre demande d’audience était reçue et validée.

Quelques rappels 

  • les chiffresL’enquête de 2014 menée par le Défenseur des droits met en avant qu’1 femme sur 5 affirme avoir vécu une situation de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle et près de 30 % de ces femmes n’en parlent à personne.Dans notre département qui compte 32 844 agent·es de l’Education nationale dont 72,7 % de femmes, cela représenterait 4 775 femmes qui ont été ou seront victimes de harcèlement sexuel au travail au cours de leur carrière
  • le contexteLes chiffres des violences intra-familiales ont explosé depuis le premier confinement. Notre département est particulièrement exposé : la Seine-Saint-Denis est l’un des territoires les plus touchés par les violences conjugales (Observatoire départemental des violences envers les femmes)Dans la plupart des établissements scolaires, aucune prévention n’a été mise en place, aucun personnel n’a eu entre les mains un dépliant ou même vu une affiche sur le sujet.

    La circulaire du 9/03/2018 précise pourtant la mise en place de « dispositifs d’information, de communication et de sensibilisation » comme la mise en place « d’ un affichage dédié dans les espaces communs, reposant sur un message fort (« Zéro tolérance en matière de violences sexuelles et sexistes »).

    Les mesures de protection des victimes sont quasi inexistantes et aucune mesure n’est prise par l’administration vis-à-vis des agresseurs.

    Au cours de cette audience, nous avons porté un ensemble de propositions à la base d’un véritable protocole de protection :

    1/ l’organisation d’une enquête auprès des personnels pour avoir des indicateurs et sensibiliser les personnels ;

    2/ un plan ambitieux de formation  : formation initiale pour les stagiaires ; plan de formation académique / formations REP+ et animations pédagogiques pour le 1er degré ; dispositif pédagogique ambitieux pour former les élèves (comme l’ABCD de l’égalité) ainsi que des moyens pour mettre en place les 3 séances d’EAS obligatoires chaque année de la scolarité ;

    3/ un plan de prévention : affichage ; livrets d’accueils ; circulaire de rentrée dédiée ; fiche contact avec les associations nationales et locales ;

    4/ des mesures d’accompagnement des victimes et un suivi des mesures  : mise en œuvre d’une cellule de veille et d’écoute pour les collègues victimes de violences sexuelles et sexistes (comme dans l’académie de Versailles) ; recrutement d’une personne référente formée aux VSST à l’échelle du département, nomination d’une personne référente parmi les représentant·es au CHSCTD, mise en place d’un groupe de travail départemental pour suivre la mise en place des mesures ;

    5/ des mesures de protection des victimes : la protection fonctionnelle accordée immédiatement après un signalement (prévention, assistance juridique, réparation ; des ASA ou AFA accordées pour les victimes qui le demandent (y compris si les violences ont lieu dans la sphère privée), une mesure de suspension de l’auteur présumé des violences, immédiatement après le signalement et pendant toute l’enquête administrative (comme ce qui est en place pour les enquête de violences sur mineurs )

    Du côté de la direction académique, les premiers engagements ont porté sur :

    - un travail conjoint avec nos syndicats pour la mise en place de mesures de prévention.

    - l’étude des modalités d’une enquête sur les violences sexistes et sexuelles.

    - le lancement d’un groupe de travail avec les syndicats et la participation d’experts extérieurs dans le cadre du CHSCT-D.

    - un travail sur la communication contre les violences sexistes et sexuelles, notamment le livret d’accueil.

    - une meilleure diffusion des actions et partenariats proposés par le conseil départemental.

    - une proposition de nouvelles formations sur les formations sur les violences sexistes et sexuelles et l’accompagnement des victimes et inciter les personnels notamment d’encadrement à y participer

    Cela est un premier pas. Face à l’urgence de la situation et l’importance de ce sujet, nous attendons des mesures rapides et concrètes. Nous continuerons à porter nos demandes à la DSDEN jusqu’à ce que la protection des victimes, la prévention et la formation soient effectives.

    Les OS présentes ont également convenu de se revoir régulièrement, avec une intersyndicale la plus large possible, pour poursuivre nos actions contre les violences sexistes et sexuelles, et pour l’application de la circulaire de mars 2018.

    Violences sexuelles et sexistes, harcèlement sexuel au travail…
    L’Éducation nationale doit prendre ses responsabilités  !

     


 

Déclaration liminaire des organisations syndicales FSU 93, CGT Educ’action 93 , CNT 93 et SUD Education 93

Le lieu de travail est un espace de vie qui n’échappe pas aux inégalités de genre et aux violences sexistes et sexuelles. Le harcèlement sexuel constitue une forme de discrimination fondée sur le genre, reconnue par la loi.

Comme le montre l’enquête de 2014 menée par le Défenseur des droits :
1 femme sur 5 affirme avoir vécu une situation de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle et près de 30 % de ces femmes n’en parlent à personne. Parmi les victimes de ces violences, les femmes célibataires, bisexuelles et lesbiennes et les femmes occupant des postes précaires sont plus exposées au harcèlement.

Ces agissements ont des impacts importants sur la santé, la carrière et la vie familiale comme le montre cette même enquête. 33 % des femmes concernées par le harcèlement sexuel au travail déclarent des atteintes à leur santé physique et mentale, 28 % un blocage dans leur carrière, 14 % un non-renouvellement de contrat, 11 % un arrêt de travail, 10 % un licenciement, 9 % une démission demandée par l’employeur, 7 % une mutation, 5 % un refus d’embauche et 2 % une sanction.

L’Education nationale n’échappe évidemment pas à ces violences et leurs conséquences.

Dans notre département qui compte (en 2019) 32 844 agent·es de l’Education nationale dont 72,7 % de femmes, ce ne sont donc pas moins de 4 775 femmes qui ont été ou seront victimes de harcèlement sexuel au travail au cours de leur carrière. Sans oublier que les agressions sexistes et sexuelles commencent dès le plus jeune âge et que nos élèves sont aussi les premières victimes de ces violences.

Ce chiffre édifiant ne doit pas être pris à la légère.
Il est plus que temps d’agir pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles et de respecter la loi !

En effet, nos organisations syndicales rappellent que la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 garantit aux agent·es de la fonction publique une protection contre les violences physiques et verbales dont ils et elles pourraient être victimes, ainsi que les situations de harcèlement sexuel ou moral. Son article 6 bis a été modifié pour inclure la notion d’agissements sexistes.

Le gouvernement prétend faire de l’égalité entre les hommes et femmes la grande cause du quinquennat et a publié une circulaire relative à la lutte contres les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique le 9 mars 2018. Pourtant, nos organisations syndicales constatent que peu de choses ont évolué sur les questions d’inégalités de genre et de violences sexistes et sexuelles dans l’Education nationale et en particulier dans notre département.

Dans la plupart des établissements scolaires, aucune prévention n’a été mise en place, les mesures de protection sont quasi inexistantes et aucune mesure n’est prise par l’administration vis-à-vis des agresseurs.

Non seulement, l’administration ne protège pas les victimes mais il n’est pas rare qu’elle génère elle-même des situations de domination sexiste, y compris dans les instances, comme au CTA du 8 octobre 2020 où le recteur a contesté avec véhémence les propos d’une représentante de la FSU qui lui demandait simplement de ne pas l’interrompre et de la considérer comme ses collègues hommes.

Conformément à la circulaire du 9 mars 2018, nos organisations syndicales exigent les mesures suivantes :

- un plan ambitieux de formation à la prévention et à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (axe 1.1 de la circulaire)

- un dispositif d’information, de communication et sensibilisation auprès des agent·es sur la prévention et le traitement de ces violences (axe 1.2)

- la mise en place d’une cellule d’écoute et d’un suivi des signalements permettant d’accompagner les victimes (axe 2.1)

- la protection fonctionnelle accordée immédiatement après un signalement (prévention, assistance juridique, réparation) (axe2.2)

- une mesure de suspension de l’auteur présumé des violences, immédiatement après le signalement et pendant toute l’enquête administrative. (axe 3)

Nos organisations syndicales demandent également la création d’un groupe de travail départemental afin de préciser et mettre en place rapidement toutes ces mesures pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles.